Dans le Massâlik-al-Jinân (Les Itinéraires du Paradis) qui pourrait être considéré comme le manifeste de son message aux hommes, CHEIKH AHMADOU BAMBA résume toute la doctrine qui doit guider le calligraphe.
L’importance de cet ouvrage est qu’il constitue un véritable instrument de rénovation, adapté aux générations de l’heure, le Cheikh le dit :
"... Leurs ouvrages (les illustres prédécesseurs), à cause de leur étendue démesurée, (ou de leur ancienneté), ont été abandonnés par la plupart des lecteurs de cette génération."
"Dans cet ouvrage, j’ai vivifié ce que les gens, dans leur sommeil d’ignorance, ont rendu lettre morte" (vers 24, 32)
Qu’ont dit les anciens sur la Calligraphie et dans quels manuels ?
Nous retenons le Ihyâ culûmu-d-Dîn de Ghazâli, le principal personnage auquel le Cheikh fait référence dans le Massâlik.
En effet, le huitième livre de Ihyâ culûmu-d-Dîn est exclusivement consacré au Coran et aux bonnes manières qui s’y rapportent. C’est dans le chapitre II que la Calligraphie est mise en exergue.
Dans son livre, Ghazâli relate l’évolution qu’a suivie le Muçhaf qui, à l’origine, était dépouillé de toutes les innovations louables qu’il connaît aujourd’hui : c’était en toute logique au moment où les Textes du Coran voués à la lecture publique devaient être vocalisés.
Le Coran a d’abord connu une phase très spécialisée sous le khalifat de Abû Bakr çiddîq (7) qui, avec ces génies dits hâfizûn et qurâ (8), s’est très tôt attelé à l’élaboration de son corpus.
Ensuite Seydina cUthmân (9) reviendra parachever l’œuvre que Abû Bakr çiddîq avait dignement entreprise avec les spécialistes qui avaient comme lui, l’avantage de vivre au fur et à mesure les événements dans lesquels les versets se sont successivement révélés au Prophète.
Etant donné que de nombreux musulmans détenaient un fragment d’une partie du Coran, lorsqu’ils commencèrent à périr avec les guerres d’apostasie (10), Seydina Abû Bakr prit la décision très responsable de rassembler ces fragments. Abû Bakr ne se suffit pas de l’initiative, mais en assura le suivi jusqu’au bout et y investit le maximum de prérogatives, en confiant la calligraphie de tous les fragments à Zayd ibn Thâbit. Abû Bakr mit à la disposition de Zayd tous les moyens qui lui permettaient d’authentifier les Textes, malgré ses dons et la maîtrise qu’il avait dans le domaine du vivant du Prophète.
Il faut noter que jusqu’à la codification, sous l’égide de Seydina cUthmân, le Texte est resté le même, car la copie officielle qu’Abû Bakr et les scribes avaient élaborée fut, heureusement et grâce à DIEU qui veille à l’intégrité du Texte, gardé chez Hafça, fille de Seydina cUmar.
Notre chef cUthmân avait raison, car l’expansion de l’Islam dans le monde entier au lendemain du retour à DIEU de l’Elu avait fait la connaissance de plusieurs zones linguistiques et, pour éviter de voir le Texte de base souffrir d’une quelconque corruption, il prit des mesures qui ont rendu unique la lecture pour tout le monde.
Ce travail d’harmonisation qu’il fit sur la copie officielle que Hafça lui apporta avait une importance capitale, dans la mesure où elle fut une réplique à
toutes les tentatives de corruption que les ennemis de la foi ont voulu y introduire.
L’harmonisation du Message par des créations techniques louables sous la responsabilité de celui qui est l’Héritier du Prophète est la seule arme contre la divergence et les profanes hostiles à la ferveur grandissante de la Religion Musulmane.
Abû Bakr a rassemblé le Texte et cUthmân l’a codifié, mais nous préciserons que c’est DIEU Lui-même qui a rassemblé et codifié le Texte, Lui qui veille à l’intégrité du Livre Sacré, conformément à Sa Parole :
« C’est Nous qui t’avons (Prophète) révélé le Rappel Edifiant et Nous veillerons certes à son intégrité » (S.15 V.9)
Par conséquent, c’est par Faveur et Bénédiction Divines que ces maîtres d’œuvre ont eu le privilège de telles initiatives.
Après donc la mise en code, on doit se demander qui étaient les spécialistes ?
Ils étaient des arabes de naissance, qui ont de surcroît entendu ces fragments de la bouche de l’Envoyé de DIEU et en ont vécu l’application en la personne de Mouhammad, ce dernier étant pour ainsi dire l’Ame du Coran, le Réceptacle de la Parole de DIEU et son Expression.
Ainsi pour ces spécialistes, il y avait moins de difficultés à se remémorer le Texte intégral et à maîtriser tout le système qui l’organise.
Mais, soucieux de transmettre ce Patrimoine Glorieux de génération en génération, conscient que l prédication du Coran s’adresse à toute l’humanité pour aider les peuples à sortir de la corruption et à rebâtir un système de valeurs dans la soumission, la foi et la reconnaissance à DIEU, conscient que la lecture et la récitation s’effectuent dans un style liturgique d’une cadence, d’une harmonie et d’une expression d’illustration aussi vivante que pénétrante, Seydina cUthmân, après le Consensus qui s’est fait sur son travail de codification et de recension, a initié une nouvelle phase dans laquelle le Coran allait sortir de son cadre spécialisé pour aborder un niveau beaucoup plus commun.
Cela veut dire que le Coran devait être alors manuscrit de sorte que toute la Communauté puisse en profiter. Cette propagation allait nécessairement, après la codification passer par un système qui organise sa graphie dans le fond et dans la forme, en vue de le préserver de la déviation des profanes.
Dans ce sens, Ghazâli, dans son livre très célèbre (Ihyâ culûmu-d-Dîn), nous apprend que Al Hassan et Ibn Sayrin ont d’abord critiqué et contesté les initiales qui occupent les espaces existant après chaque cinquième et dixième verset, et qui sont respectivement les marques « khâmisa » et « cAshira » ; ils ont aussi contesté la fragmentation du Coran en plusieurs parties.
A côté de cette position, Sacbi et Ibrahim critiquaient la particularisation de certains aspects du Texte en rouge, la ponctuation et la rémunération de leurs auteurs.
Toutes ces deux positions voulaient que l’aspect extérieur dans lequel le Coran se présentait maintienne sa virginité et garde sa sobriété, mais, en vérité, ces illustres personnages avaient seulement horreur d’être les prétextes d’une initiative dont ils ne sauraient mesurer ou contrôler les conséquences.
Ghazâli quant à lui, nos apprend que toute création qui permet à la Communauté de perpétuer la Parole de DIEU et qui la clarifie est admise comme licite.
Y a-t-il, poursuit-il, une initiative plus louable que la prière surérogatoire en assemblée dont Seydina cUmar Ibn Al Khattâb est l’auteur ?
Une innovation n’est dite blâmable que lorsqu’elle s’oppose à la Coutume Sacrée (Sunna) du Prophète ou tend à la dénaturer ou à la corrompre.
On nous rapporte toujours dans le Ihyâ que certains des Ulémas disaient : « Je lirai sur un Muçhaf ponctué et muni de signes diacritiques, mais je n’en serai pas l’auteur. »
Awzaci rapporte de Yahyâ ibn Kasîrin qu’au début, la Vulgate étaie nue de tout signe diacritique, la première création fut le point du « Bâ », puis les deux points du « Tâ »
Il y eut consensus là-dessus, et tout le monde admit convenable le fait de distinguer par deux conventions diacritiques deux mots qui ont la même représentation orthographique et des sens différents. C’est après cela, nous dit Ghazâli, que des indices ont été créés à la fin de chaque verset, on l’admit le plus naturellement, étant donné que cela offre beaucoup de facilité et de clarté. Cette création fut suivie par les enluminures et les frontispices.
Par ailleurs, Abû Bakr al Hadhâli a interrogé un jour Al Hassan sur la ponctuation et la vocalisation du Muçhaf en rouge ; celui-ci répondit que cela permet de reconnaître l’ensemble des formes que prennent les noms, les pronoms et les adjectifs, autrement dit leurs désinences, l’arabe étant une langue à flexion. C’est donc une mise en exergue de leurs déclinaisons, suivant les nombres, les genres et les cas.
Ainsi, tout le monde convient qu’il n’y a pas d’inconvénients à un tel procédé, d’autant plus qu’il augmente la clarté du Livre Sacré.
Enfin, Ghazâli nous donnera une information capitale sur un génie créateur, en la personne d’un nommé Hajjâj (11), qui a eu le privilège d’initier par la Grâce de son SEIGNEUR tout le système de signes servant à indiquer les divisions du Coran, autrement dit la ponctuation.
Il est l’artisan de la division en trente parties et des autres divisions. C’est lui qui a réuni tout l’aréopage de qurâ’ pour inventorier le Texte : le nombres de sourates, de versets, de mots, de lettres et de points. On dit même qu’il est aussi l’auteur du système de vocalisation.
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